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La Mairie du 9e

Mise à jour le 10/02/2017
Mairie du Neuf - Paris

De l’hôtel d’Augny à la Mairie du 9e

La plupart des mairies d'arrondissement de Paris sont installées dans des bâtiments construits à cet usage. Ce n'est pas le cas de la mairie du 9e arrondissement qui est établie dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle ayant eu plusieurs attributions avant de devenir un bâtiment public.

L'hôtel d'Augny

A partir du deuxième quart du XVIIIe siècle, toute la zone au nord des grands boulevards est lotie par des financiers. Alexandre-Marc-René Estienne d'Augny, fermier général, achète trois terrains rue Neuve Grange-Batelière (actuelle rue Drouot) entre 1746 et 1748. Ces trois lots représentent une parcelle de plus de 10 000 m², dans un quartier qui est alors l'un des plus à la mode à Paris. Il y fait construire un hôtel particulier entre cour et jardin par l'architecte Charles-Etienne Briseux.
En 1753, Alexandre d'Augny rencontre Mlle de Beauménard, surnommée « Gogo », comédienne à la Comédie-Française. Il semblerait qu'elle y soit entrée grâce à ses charmes. Alexandre d'Augny en tombe amoureux et l'installa dans le tout récent hôtel de la rue Neuve Grange-Batelière.
Mais Mlle Beauménard ne se contente pas longtemps de son fermier général et elle a de nombreux « guerluchons », notamment le chevalier Dasnière. Ce fut celui de trop pour d'Augny, et Mlle Gogo fut rapidement congédiée. On peut lire dans un rapport de police de 1754 que « d'Augny est inconsolable de son divorce avec Mlle Beauménard ». Il réussira tout de même à se consoler et épousera Mlle Liacourt de l'Opéra.
Pendant la Révolution, il sera enfermé chez lui. Ce fut l'un des seuls fermiers généraux à ne pas avoir été guillotiné pendant la Terreur. Il vécut dans son hôtel jusqu'à son décès le 28 nivôse an VI (17 janvier 1798). N'ayant pas eu d'enfants, ses deux cousins germains Nicolas Estienne d'Augny et Dominique Joseph Parron se partagèrent ses biens. Le second hérita de l'hôtel de la rue de la Grange-Batelière, qu'il mit en location.

L'architecture

C'est l'architecte Charles-Etienne Briseux qui a conçu l'hôtel d'Augny. Un portail imposant accueillait les visiteurs. Il était décoré de bossages, surmonté d'un fronton triangulaire et flanqué de deux murs concaves ornés de pots-à-feu. Une fois le porche passé, une longue allée bordée d'arbres menait à la cour d'honneur. A droite, une petite cour donnait accès à des logements de service et remises. Tandis qu'à gauche se trouvaient les cuisines, qui donnaient sur une petite cour, se prolongeant par une basse cour donnant accès à un manège couvert (actuel n°3, rue Rossini). Au fond de la cour se trouvait le corps de logis principal de la demeure, entre cour et jardin, flanqué de deux pavillons. L'édifice était entièrement bâti en pierres de taille, dans un style architectural qui fait la transition entre le rocaille et le néo-classique. La façade sur cour comportait un rez-de-chaussée, animé par des bossages, un premier étage avec fenêtres en plein-cintre et un étage sous comble.
L'hôtel est organisé autour d'un avant-corps à trois pans, surmonté au centre d'un fronton curviligne, et de deux pavillons latéraux. La façade sur jardin reprend celle sur cour, avec un avant-corps à pans arrondis. Un balcon souligne le premier étage, et un perron de six marches donne accès au jardin. Des baies de diverses formes, ainsi qu'un avant-corps d'une travée en saillie, à chaque extrémité, animent cette façade. Un dôme, terminé par un vase de plomb, couvre le pavillon central. Au rez-de-chaussée et au premier étage, se trouvaient deux grands appartements de distribution identique.
L'entrée se faisait par un vestibule ouvrant sur le grand escalier. Les plus belles pièces donnaient sur le jardin. On pouvait y contempler de riches décors, des cheminées et des toiles peintes, notamment par François Boucher, Louis-Joseph Le Lorrain ou Jean-Baptiste-Marie Pierre. Le sculpteur ornemaniste Nicolas Pineau s'est occupé de la décoration intérieure, connue par la gravure, on trouve notamment des planches dans le Traité du beau essentiel dans les arts, appliqué particulièrement à l'architecture de Charles-Etienne Briseux.

Le Cercle des Étrangers

Le 13 messidor an VI (1er juillet 1798), Nicolas Duchesne, maître sellier et carrossier, son épouse Antoinette Françoise Gaudry et Théodore Antoine Adolphe Lasalle signent un bail de location de l'hôtel d'Augny pour 9 ans, pour la somme de 19 000 Francs par an.
Duchesne utilise une partie de l'hôtel d'Augny pour agrandir sa sellerie du boulevard Montmartre et sous-loue les appartements de prestige de l'hôtel au marquis de Livry et à son épouse, Mlle Saulnier, ancienne première danseuse de l'Opéra. Ils y installèrent un des plus célèbres club de jeux d'Europe : le Club des Étrangers. Après la Terreur étaient organisés de nombreuses fêtes et bals. Ceux de l'hôtel d'Augny, les bals des Étrangers étaient très réputés. Ils sont décrits par L*** dans Paris et ses modes : les bals de l'hôtel d'Augny, de 1803 :
« Ces bals donnés par des hommes célèbres ont attiré beaucoup de monde que différents motifs amenaient. Les premières fois il y eut une collation magnifique, servie avec profusion et élégance dans des plats d'argent et de vermeil : on n'avait qu'à désirer et l'on était servi : quelques personnes firent plus que de désirer et prendre des gelées, des glaces, elles trouvèrent les couverts à leur convenance et les emportèrent ; le masque et le déguisement les sauvaient de l'opprobre et de la vindicte générale… D'autres autour d'une longue table de jeu tentaient la fortune et s'exposaient à ses caprices : le fatal trente-et-un, la bouillote plus lentement cruelle ruinaient, enrichissaient ou trompaient tour à tour, ceux qui, tout à l'heure s'applaudissaient de leurs faveurs ou se plaignaient de leurs rigueurs ; plus loin le violon se faisait entendre, la folie avait donné le signal, on dansait ; sous les masques les propos aimables, spirituels, et quelquefois libertins circulaient, et l'on oubliait et le sommeil et la nuit. »
On venait jouer masqué, ainsi, sous couvert d'anonymat, certaines grandes fortunes ont été défaites. Comme une dame d'honneur de Joséphine qui perdit une somme si considérable au Cercle des Etrangers qu'elle fut révoquée des Tuileries. Napoléon a alors interdit les jeux masqués et l'hôtel d'Augny fut surveillé de près.
En 1806, Joseph Parron vendit sa propriété à la maison Robillard & Cie, une des plus importante manufacture de tabac sous l'Empire. Robillard et Cie fit édifier deux ateliers de fabrication de tabac au fond du jardin tandis que les salons continuèrent d'abriter les jeux.
Puis, l'hôtel d'Augny est acquis en 1813 par Jean Joseph Bernard, fermier général des jeux de Paris pour 350 000 Francs. Sous la Restauration les jeux du Cercle des Etrangers restent très prisés.
En 1819 la maison et le mobilier servant aux jeux sont loués à Boursault. Les ateliers de la manufacture Robillard sont détruits et le jardin reprend sa taille originale.
Sous Charles X, l'activité des jeux commence à décliner, jusqu'à leur interdiction en 1836, sous Louis-Philippe.
En 1829, Jean Joseph Bernard vend sa maison à Alexandre Joseph Marie Léon Pierre Paul Ramond Louis Gonzague Aguado, marquis de Las Marismas del Guadalquivir pour 500 000 Francs. L'hôtel d'Augny devient alors hôtel Aguado.

L'hôtel Aguado

Le décor de style rocaille de l'hôtel était complètement passé de mode lorsqu'Aguado racheta l'hôtel. Il l'a donc rénové, tout en conservant l'organisation d'ensemble.
A l'extérieur, il modernisa les façades en supprimant quelques ornements sculptés, il fit modifier le portail sur la rue, changea les vantaux, et sur l'imposte au-dessus, il fit ajouter les lettres AA, pour Alexandre Aguado, dans un médaillon en feuilles de lauriers sous une couronne de marquis. On peut retrouver ce monogramme sur toutes les poignées de porte des appartements, et sur les garde-corps en fonte des façades, il n'en reste qu'un aujourd'hui, sur une baie de la façade sur jardin.
Au centre du balcon du grand salon sur le jardin, on peut encore remarquer les armes d'Aguado.
A l'intérieur, le marquis fit tout re-décorer.
Il commença par faire changer le grand escalier par un chef-d'œuvre de stéréotomie (art de tailler et d'agencer les pierres). Il remplaça toutes les cheminées, les parquets des salons, et fit décorer le vestibule octogonal, côté cour, d'un plafond peint de guirlandes, de fleurs, d'oiseaux, de papillons et d'instruments de musique.
C'est ce décor unique que l'on peut aujourd'hui admirer dans les salons de la mairie du 9e arrondissement, témoignage exceptionnel des arts décoratifs de la Restauration.
Aguado garda l'hôtel jusqu'à son décès, en 1842. La Compagnie d'assurances générales sur la vie des hommes acheta la propriété en 1844, pour 1 000 050 Francs. La compagnie d'assurances loua l'hôtel à la compagnie de banque Ganneron et Gouin, et céda le fond du jardin à la société du passage Jouffroy, qui projetait de réaliser soit une rue, soit un passage couvert entre le boulevard Montmartre et la rue de la Grange-Batelière. Une porte d'accès à l'hôtel devait être prévue. La société opta pour un passage couvert, et la porte existe toujours entre la mairie et le passage Jouffroy.

La Ville de Paris achète l'hôtel en 1848

En 1848, la Ville de Paris achète l'hôtel. Les services municipaux de la mairie du 2e arrondissement s'installèrent dans l'hôtel en 1850, ce qui l'a certainement sauvé de la destruction qu'ont subi les autres hôtels particuliers du XVIIIe siècle dans la rue Drouot.
C'est en 1860 que l'hôtel accueillit la mairie du 9e arrondissement, suite à la réforme qui a mis en place les 20 arrondissements de Paris.
L'architecte Alfred-Philibert Aldrophe construisit les deux ailes de chaque côté de la cour, à la place des anciens communs. L'aile droite fut achevée en 1885. Elle comportait une grande salle des fêtes, actuellement la salle du conseil d'arrondissement. L'aile gauche, terminée en 1890, abritait le bureau de bienfaisance et les pompiers.
En 1932 fut installé dans la cour le monument aux morts, un bronze de Sicard représentant une allégorie de la Victoire, qui est aujourd'hui à droite, dans l'allée.
La mairie du 9e s'est peu à peu dégradée, jusqu'aux années 1970. L'achat du cinéma Astor, longeant le jardin de l'hôtel d'Augny, a permis d'agrandir la mairie. L'architecte Jean-Jacques Fernier a réalisé une salle des fêtes modulable pouvant accueillir 350 personnes, la salle Rossini, inaugurée en 1972.
Entre 1980 et 1985, le commissariat de police, le tribunal d'instance et la bibliothèque furent installés en face de la mairie. L'hôtel d'Augny a donc été complètement réaménagé et restauré, sous la direction de Jean-Jacques Fernier. On peut ainsi à nouveau admirer la splendeur de ses décors, témoins d'une histoire riche et mouvementée.

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